L’enquête menée par Multiburo sur le bureau idéal pointe l’importance de la concentration et du calme sur le lieu de travail. Pourquoi l’être humain a-t-il besoin d‘un bureau calme ?
Jean-Christophe Beau : Nous sommes en permanence bombardés d’informations. Se concentrer, c’est parvenir à ce qu’une partie de notre cerveau oriente toute sa capacité sur un seul objet. Cela implique donc de bloquer le reste, la concentration jouant alors un rôle de filtre. Plus il y a de bruits, plus vous êtes obligé de dépenser de l’énergie pour les bloquer. Et toute cette énergie n’est donc plus disponible pour ce que vous avez à faire. Résultat, au bout d’un moment… elle s’épuise ! Dans le pire des cas, il peut même arriver que l’on ne parvienne plus à se contrôler, à gérer ses émotions.
Donc, en dépit d’une forte évolution des modes et espaces de travail, le besoin d’un bureau calme perdure ?
J-C. B. : Clairement. Chez My Mental Energy, nous observons depuis environ cinq ans l’augmentation d’un besoin fondamental de calme. Pourquoi ? Parce que beaucoup de gens ont progressivement intégré des open spaces, des bureaux plus flexibles. Or dans ce cadre, on a tendance à sous-estimer l’importance de la concentration, et notamment de la concentration approfondie. A deux ou trois dans un bureau, on sait bien que quand untel rédige un rapport, il ne faut pas faire de bruit. Mais il en va différemment dans des espaces plus grands. La vague d’insatisfaction va alors monter.
Nous avons accompagné certains grands groupes qui, après avoir fait construire des bâtiments fabuleux, ont constaté une satisfaction modérée. La raison ? Ces locaux n’avaient pas été conçus pour la concentration approfondie. Dans les faits pourtant, le premier besoin, la première allocation de temps nécessaire des professionnels du tertiaire consiste à réfléchir, se concentrer, écrire quelque chose de complexe, etc. Et si vous faites cela dans un environnement de travail bruyant, avec du passage et des interférences visuelles, vous vous épuisez, vous n’avancez pas. Les Américains ont pris conscience de cette réalité avant nous : le premier besoin d’un bureau pour des métiers intellectuels est un écrin à concentration.
Le travail à distance permet-il d’éviter cet écueil ?
J-C. B. : Tout dépend évidemment des conditions de travail au sein de l’habitation. Mais, indépendamment de cet aspect, avec la crise Covid, de nouveaux facteurs sont venus accroître la fatigue. Les échanges à distance, en Zoom par exemple, nécessitent beaucoup plus d’énergie mentale qu’en face-à-face. Car vous ne voyez pas tout à fait les traits de visage, parce que la parole est très légèrement altérée. Et votre cerveau doit faire l’effort de reconstituer des phrases : cela s’appelle la complémentation cognitive.
Dans ces conditions, que faire pour favoriser la concentration des collaborateurs dans l’espace de travail ?
J-C. B. : Proposer une plage de concentration idéale passe par un bureau épuré, avec le moins d’interférences sonores et d’interférences visuelles possible. Limiter au maximum les SMS, notifications et sonneries en tout genre. Car chaque interruption a pour conséquence de vous faire quitter l’objet de ce que vous étiez en train de faire. Le fameux syndrome du « j’en étais où déjà », les études le montrent, coûtent de 30 à 50% d’énergie mentale et de temps supplémentaires.
Quels sont vos conseils pour une concentration optimale, quel que soit le lieu où l’on se trouve ?
J-C. B. : Le bureau doit être optimisé pour la concentration. Idéalement, il faut à la fois des espaces prévus pour rester au calme et des lieux ou une vue pour se régénérer. Pour la concentration, il faut vraiment des espaces ultra-calmes, sans bruits de conversation. Des lieux qui fonctionnent finalement comme des bibliothèques universitaires. Mais le bureau idéal dépendra d’abord évidemment de ce que les collaborateurs ont besoin d’y faire. Le mieux est donc de co-construire avec eux, éventuellement par service. Concentration approfondie, interaction formelle, interaction informelle, régénération, téléphonie… la bonne répartition doit être faite au regard de l’activité et des attentes des personnes.
